Samuel Tual, Président d'Actual Group, décrypte la stratégie derrière l'engagement historique de l'entreprise dans la course au large. Alors qu'Actual vient d'acquérir un Ultim de dernière génération pour porter ses ambitions au sommet de la catégorie, il explique comment l'évolution du projet sportif, initié il y a 24 ans, est intrinsèquement liée à la croissance du groupe.

Cela fait 24 ans que Actual est dans la voile. Vous avez franchi une étape majeure en achetant un second bateau Ultim, l'Actual Ultim 17, en plus de celui que vous aviez déjà. Qu'est-ce qui a motivé cette nouvelle ambition ?

Depuis 24 ans, nous avons une relation assez étroite et parfaite entre le projet sportif et le projet de l'entreprise. Le premier contact avec la voile s'est fait en 2001 avec Yves Le Blévec, au moment où nous créions Actual Group. Nous étions sur un projet décennal, et cela s'est répété avec une deuxième séquence jusqu'en 2021, et nous sommes maintenant sur la troisième séquence, 2031. Au fur et à mesure que le bateau a grandi et évolué, le réseau du groupe, le nombre d'agences et le chiffre d'affaires ont suivi. L'évolution de nos agences et de notre chiffre d'affaires est étroitement liée à la taille du bateau, au budget de fonctionnement et aux investissements réalisés.

Nous sommes restés dans la même logique, le projet a évolué parce que l'entreprise a évolué. Aujourd'hui, même si la conjoncture est moins favorable, nous avons un projet très ambitieux pour 2031 que nous voulons absolument réaliser.

En accédant à la catégorie Ultim, nous savions que nous franchissions une marche importante, car c'est la catégorie reine de la course au large, offrant une grande visibilité. Cependant, avec notre précédent bateau, nous ne pouvions pas prétendre à la victoire. Nous avons donc progressé, et nous avons désormais un bateau qui fait partie des plus performants de la catégorie. Nous pouvons maintenant porter une ambition beaucoup plus forte : celle de gagner une course majeure du programme Ultim. Cela correspond à l'ambition du groupe, qui souhaite devenir le premier acteur français sur le marché des agences d'emploi. Nous voulons gagner cette course-là aussi.

Comment arrivez-vous à mesurer l'impact de cet investissement dans la voile sur votre business en général, que ce soit sur le développement auprès de vos clients ou en tant que marque employeur ?

Nous avons plusieurs unités de mesure et plusieurs sujets que nous surveillons. Le principal est la notoriété de l'entreprise. Notre marché est principalement B2B, mais nous avons un enjeu B2C très fort. Il est crucial que les candidats à l'emploi choisissent de pousser la porte de nos agences plutôt que celles de nos concurrents. Quand nous avons les bons candidats, cela favorise notre activité et notre chiffre d'affaires.

Nous considérons que le bateau contribue au développement de la notoriété d'Actual, que nous mesurons tous les six mois. Bien sûr, le sponsoring nautique n'est pas le seul facteur, car nous avons d'autres partenariats et types de communication.

Nous faisons également appel à des prestataires qui chiffrent très précisément les retombées presse et médias que nous obtenons, avec une valorisation pour chaque événement. C'est là que l'enjeu de gagner une course devient très important, car les différences de valorisation entre le premier, celui sur le podium ou celui qui finit simplement la course, sont très significatives.

Nous mesurons aussi l'impact très précis de nos relations publiques. Les supports de course sont très intéressants pour inviter des clients ou des prospects. Nous mesurons l'évolution de l'activité avec ces clients avant et après ces événements RP. Nous avons des indicateurs assez bien maîtrisés qui nous permettent de voir l'impact.

Enfin, il y a la question de la marque employeur, qui est plus difficile à chiffrer. Nous utilisons beaucoup l'image du bateau dans la communication pour nos recrutements et en interne. C'est un formidable outil de communication interne pour fédérer nos équipes dispersées sur le territoire. Chaque course est une occasion pour nos collaborateurs de soutenir le skipper, ce qui contribue grandement à l'esprit d'équipe du groupe. Si le groupe est plus performant que la moyenne de nos confrères, c'est aussi parce que nos collaborateurs sont plus engagés, et cet engagement est en partie nourri par le projet voile.

Combien de personnes invitez-vous environ sur un village de course comme celui de la Transat Jacques Vabre ?

Sur la durée du village, cela représente environ 500 personnes qui sont invitées.

Et avez-vous développé une puissance de marque ou une affinité particulière dans la filière nautique pour attirer des employés ou des intérimaires ?

Nous sommes reconnus pour notre engagement dans le sport en général, et donc légitimes dans l'économie du sport. Nous avons effectivement des agences, notamment sur la côte, qui sont dans la Sailing Valley, et qui fournissent des compétences dans ce milieu-là. Notre engagement dans la course au large nous rend légitimes pour intervenir sur ces métiers très spécifiques.

En tant que président de la classe Ultim, vous avez une vision d'ensemble sur l'univers de la course au large. Quels sont, selon vous, les principaux défis économiques et sportifs qui attendent la classe dans les prochaines années ?

La classe Ultim a franchi une nouvelle étape en termes de maturité. Nous nous sommes dotés d'une règle de jauge très précise pour donner de la visibilité aux futurs projets et aux constructeurs de nouveaux bateaux. Ce sont des règles que nous nous sommes engagés à ne pas faire évoluer pendant quatre ans, ce qui protège les investissements des partenaires. Les évolutions nécessitent quasiment l'unanimité.

Nous avons également mis en place un programme de course avec une belle visibilité sur quatre années. C'est fondamental pour les projets actuels et futurs, car il est essentiel que les bateaux puissent naviguer et être visibles. Nous allons créer de nouvelles courses pour renforcer le programme, tout en veillant à ce qu'il soit adapté à la taille de ces bateaux.

Enfin, le troisième point très important que nous travaillons collectivement est la RSE. Nous avons un programme à l'étude qui va aboutir rapidement, notamment sur la question des OFNIS (objets flottants non identifiés) et des risques d'impact. L'idée est d'apporter une innovation majeure pour nos Ultims qui pourra profiter à l'ensemble de l'écosystème maritime. C'est un sujet important pour sécuriser les investissements des partenaires.

Vous parlez de sécuriser les investissements. On voit des difficultés en IMOCA pour certains skippers. Qu'est-ce qui fait qu'une marque doit s'engager dans la voile, et quelles sont les clés du succès dans ce secteur ?

La conjoncture est compliquée, mais ce qui est important, ce sont souvent des projets qui accompagnent des projets d'entreprise, comme c'est le cas pour Actual. On peut faire des coups ponctuels sur la voile, mais les projets les plus efficaces sont ceux qui s'inscrivent dans la durée, car cela crée une complicité avec les équipes et les marins. La plupart des entreprises engagées le sont pour un minimum de trois ans, et souvent, si elles reviennent et prolongent, c'est parce que cela fonctionne et qu'elles ont les retours attendus. Certaines peuvent se retirer, c'est vrai, surtout en période de difficultés économiques où les arbitrages se font d'abord dans la communication.

Il faut donc que l'entreprise ait un projet durable et travaille sur l'usage qu'elle fait de ce partenariat et la manière dont elle l'active. Cela ne s'improvise pas et demande de l'expérience.

Enfin, ce support porte des valeurs très positives. Au-delà de l'aspect environnemental, il y a une dimension d'aventure, de grand large et de liberté qui trouve un écho particulier dans l'opinion publique. La course au large est perçue comme un des derniers espaces de liberté, ce qui intéresse un public de plus en plus large. Les niveaux d'innovation et l'aspect "exploit", "dépassement de soi", et "vitesse" font rêver. Nous cochons plusieurs cases qui sont très intéressantes pour différentes raisons.

Vous avez une stratégie multisponsoring (voile, rugby, boxe...). Comment articulez-vous ces différents engagements, notamment en région ?

C'est assez simple. Le bateau reste le support principal dans notre budget sponsoring. C'est notre partenariat totémique.

Cependant, nous avons des enjeux d'ancrage dans le territoire et une cible très populaire et grand public. Nous devons être au plus près des territoires. En plus de l'Ultim, nous sommes partenaires de clubs de Ligue 1, de Ligue 2, de rugby, et de différentes disciplines, selon les zones géographiques. Je donne beaucoup d'autonomie à mes équipes opérationnelles pour décider où investir dans les territoires.

Le point commun de tous ces partenariats est que nous recherchons des clubs alignés avec nos valeurs, qui ont un projet de long terme et qui cultivent l'excellence. Nous essayons de trouver des clubs qui se distinguent par leur façon de former, de recruter, d'animer, et de s'occuper du reclassement.

Globalement, tout cela nous permet de dire au public visé par notre cœur d'activité (l'emploi) que les choses sont possibles à condition d'en avoir la volonté. Nous utilisons beaucoup les sportifs de haut niveau comme des modèles inspirants, notamment pour les jeunes. Aucun sportif ne réussit sans travailler durement, longtemps, avec des efforts, des échecs et de la répétition. C'est la même chose dans la vie professionnelle, et c'est ce que nous mettons en avant.

Le sponsoring évolue avec la data, le digital, la RSE. Quelles sont les tendances que vous avez identifiées et que vous intégrez dans vos stratégies de partenariat pour les années à venir ?

Ce qui évolue beaucoup, au-delà des centres d'intérêt du public, c'est la façon de communiquer. Les réseaux sociaux occupent une place de plus en plus importante. Au-delà de la communication classique, l'enjeu est de savoir comment nous activons les communautés des partenaires. Quand on soutient un club de football, il y a une communauté de supporters. Le défi, avec le marketing digital, est de savoir comment interagir avec cette communauté grâce aux contenus que l'on développe.

Cela génère du trafic, et dans notre cas, cela génère des candidats directement, donc du business, ce que nous n'avions pas nécessairement avant. Au-delà de la simple communication, il y a toute la notion d'activation du partenariat. Cette nouvelle dimension, plus marketing, peut générer des retours très directs en termes de chiffres et de candidats. Tous les partenaires qui font cela mesurent de plus en plus précisément ces retours.

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